Les mots pour le dire : d’un racisme à l’autre(mai 2018)
Islamophobie, racisme anti musulman, antisionisme et antisémitisme. Que de mots différents, quels sont leurs sens ? Y aurait-il un objectif recherché dans l’utilisation d’un mot plutôt qu’un autre ? Grâce à S., j’ai eu besoin de mettre au clair ces notions, alors, je vous livre mes réflexions !!!
Ce mercredi 23 mai nous avons été invités et reçus chaleureusement par M. D, Président du Collectif des associations musulmanes 78, dans les salons Antoine de Saint-Exupéry pour partager un Iftah (premier repas après une journée du mois de Ramadan). En petite délégation, Jacques B., S. B., Philippe M. et moi-même avons pu nous y rendre; à cette occasion, Jacques en tant que président de l’AJME, ainsi que S., président du CCJ 78, ont tous deux pu prendre la parole devant une grande assemblée composée des représentants des différentes associations musulmanes des Yvelines ainsi que d’élus de la région et divers invités.
Se sont succédés de beaux discours fraternels de nos présidents, des paroles républicaines et fortes de vivre ensemble de M. D.; puis une intervention courageuse sans retenue et bienveillante de Jean-Michel Fourgous, maire d’Elancourt, président de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines ; enfin des mots malheureusement plutôt disgracieux de Ahmet Ogras, président du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), une personnalité particulière assez décriée même dans son propre cercle, à qui il reste encore un an de mandat dans cette présidence tournante tous les deux ans.
A la suite des discours et du repas, je suis amené à discuter avec S. pour lui demander pour quelle raison dans son discours il ne parlait pas d’islamophobie mais plutôt de racisme anti musulman.
Pour ma part, dans mes différentes discussions avec M. D., je n’avais jamais fait cas auparavant de ce langage et au détour d’une phrase où je parlais d’attitude raciste anti musulmane il m’avait repris avec le mot islamophobe, qui était, ces derniers temps, devenu mien, sans que je n’y prête guère plus attention.
Prenons donc un peu de recul pour réfléchir sur le sens de ces mots.
Le terme islamophobe a trait au contenu à l’essence même de la religion, c’est-à-dire au Coran et à son prophète Mahomet et indique par conséquent le rejet ou la peur de cette religion en tant que telle.
Le terme d’antimusulman ou racisme antimusulman a trait aux musulmans, ce terme vient clairement critiquer les transmetteurs de cette religion et donc seulement et uniquement le «véhicule » de la religion islamique.
Vous comprendrez que je ne loue aucune de ces attitudes racistes mais j’essaie d’en percevoir leur subtilité. Le point important est donc de savoir si dans le langage utilisé, on parle de la religion ou de ses pratiquants et cette différence est primordiale. L’utilisation du mot islamophobie à la place de racisme antimusulman est globalisante, et empêche ainsi toute critique des musulmans, jusque dans certaines pratiques les plus extrêmes qui amènent au terrorisme. A mon avis, ce n’est pas aider les musulmans que d’utiliser le mot islamophobie car ceux-ci doivent aussi continuer à se questionner sur la façon de transmettre leur message notamment si celui-ci peut aller jusqu’à des extrêmes. Ainsi justement pour éviter l’amalgame pervers qui lie les terroristes djihadistes à tous les musulmans il est important de faire cette différence de mots entre islamophobie et racisme antimusulman, tel qu’a pu l’utiliser Sauveur dans son discours. Et pour nous les Juifs, contrairement au monde musulman où les termes sont très différents, les termes utilisés pour caractériser le racisme contre les Juifs sont finalement similaires même si certains, et notamment parmi les intellectuels voudraient y voir une différence.
Antisionisme et antisémitisme comment peut-on comprendre les discours quand ces deux termes sont allègrement mélangés avec une volonté bien subtile de différentiation ? Revenons donc un instant sur le sens de ces mots. Le Sionisme est l’idée qui a conduit à la création d’un foyer pour le peuple juif et par conséquent à l’État d’Israël. L’ONU en novembre 1975 a voté la résolution 3379, assimilant de façon honteuse le sionisme au racisme en oubliant au passage ce que les Juifs avaient vécu au cours des siècles et notamment lors de la seconde guerre mondiale. Bien heureusement quelques longues années après, soit seulement en décembre1991, la résolution 4686 révoquait cette ignominie de 1975, mais malheureusement le préjudice était causé et est toujours bien là, ancré, je le crains, de façon durable. Il est donc beaucoup plus facile de s’afficher pour nos ennemis comme antisionistes plutôt qu’antisémites d’autant plus depuis la loi de 1972 contre « l’incitation à la haine raciale». En effet depuis cette loi de 1972, tout individu émettant, des propos, des écrits, ou utilisant tout autre moyen pour inciter au racisme, donc faisant preuve par exemple d’antisémitisme serait condamnable, tandis que celui faisant preuve d’antisionisme ne pourrait l’être, ou certainement beaucoup plus difficilement. Finalement nous pouvons noter deux attitudes qui peuvent sembler différentes mais qui se rejoignent; soit l’antisionisme pour délégitimer l’Etat d’Israël, remettre en cause le fait que les Juifs puissent avoir un Etat, soit l’antisémitisme pour s’en prendre à l’individu lui-même en tant que Juif et l’éliminer. L’antisionisme permet de délégitimer l’existence d’un Etat juif, et donc faire en sorte que les Juifs, perdant leur Etat, puissent redevenir des personnes « faibles » courant le risque d’être dominées et enfin la deuxième démarche, l’antisémitisme, complémentaire de la première pour réduire à néant le Juif, le bouc-émissaire permanent depuis des siècles des tourments de ce monde. Ceci me fait penser à la fameuse phrase du député Stanislas de Clermont-Tonnerre, prononcée en 1789 : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et tout accorder aux Juifs comme individus ». Même si dans le contexte de la Révolution française, le terme nation a plutôt une connotation de communauté, je ne peux m’empêcher de la trouver juste dans le concept d’Etat-nation que nous connaissons aujourd’hui. Enfin, je conclurai aussi par cette phrase du philosophe Roger Pol Droit : « On ne naît pas antisémite, mais, à force d’être antisioniste, on le devient ». Bien évidemment antisionisme et antisémitisme sont les deux côtés d’une même lame prête à trancher si l’on n’y prend garde.
Voilà mes amis quelques lignes, pour vous faire réfléchir sur la valeur des mots, et merci à toi S., car sans tes propos, il est bien probable que je n’aurai jamais pris le temps de cette réflexion.