Calendrier hébraïque

Les Tekoufot

Calendrier hébraïqueChacun d’entre nous a pu observer que le mot « Tékoufa », suivi d’un horaire, apparaît quelquefois dans notre calendrier hébraïque, par exemple cette année (civile 2020) :  tékoufa de Nissan le mardi 7 Avril 2020 à 12 h 00, tékoufa de Tamouz le 07 Juillet à 19 h 30

Quelle est la signification du mot Tékoufa ?

En hébreu, le mot « Tékoufa » (au pluriel Tekoufot) désigne à la fois une saison et le début de cette saison (solstice ou équinoxe). C’est dans ce sens que le mot sera utilisé dans la suite. Chaque jour commence la veille au coucher du soleil. Cet horaire étant variable, par convention, et pour faciliter les calculs, chaque jour est censé commencer la veille à 18 H. Donc, toutes les dates données dans la suite doivent être avancées à 18 heures à la montre, la veille. La durée de l’année solaire adoptée dans tous les calculs du Talmud est l’année julienne de 365 jours et 6 heures.

Comment détermine-t-on les Tekoufot

Le rav Samuel ABBA, plus connu sous le seul nom de SHMOUEL est un juif babylonien du troisième siècle. Il est considéré comme l’un des plus grands Amoraïm. Dans le Talmud de Babylone traité EROUVIM 56a, il rapporte qu’il faut calculer dans l’année quatre Tékoufot marquant les changements de saison et servant de repères pour les principaux événements et fêtes du calendrier hébraïque. Ces tékoufot sont équiréparties sur l’année solaire, et donc séparées par un même espace de temps de 91jours, 7heures et 30minutes ( 365 jours et 6 heures divisé par 4). Chaque tékoufa marque un renouvellement du positionnement du globe terrestre par rapport aux astres, qui induit un changement de saison.

Il est d’usage, bien que ce ne soit pas un interdit formel, de ne pas boire d’eau courante (source, robinet…) durant les quelques minutes qui encadrent une tékoufa. Les explications de cette coutume sont nombreuses et assez ésotériques : l’une stipulerait que la tékoufa de Nissan a pu coïncider avec la transformation de l’eau en sang lors de la sortie d’Egypte, mais la plus répandue serait que la modification de la position de la terre par rapport aux étoiles entrainerait l’évacuation vers les cours d’eau, des mauvais esprits et des âmes errantes.

Calcul des dates des Tékoufot

Connaissant leur écart, il suffit de calculer la Tékoufa de Nissan pour connaître celles de Tamouz, de Tichri et de Tévet. Il existe cinq façons de calculer les tékoufot, mais la seule retenue comme va-lable par le Talmud est celle de SHMOUEL. Nous allons en décrire le principe sans entrer dans le détail des calculs. L’idée est de retrancher le nombre entier de semaines écou-lées depuis le mercredi (en fait, mardi 18 h) quatrième jour de la création (où ont été créés les lumi-naires) de tout le temps qui s’est écoulé depuis. La différence sera alors comprise entre 0 et 6 jours 23 h 30 minutes. C’est cette différence qui permet de définir le jour de la semaine et l’heure de la tékoufa de Nissan (Dans la pratique, puisque l’année julienne contient un nombre entier de semaines plus 1 jour et 6 heures, on ne fait les multiplications que de ce 1,25 jour par le nombre d’années écoulées).

L’année tropique ou équinoxiale :

Parmi toutes les définitions que l’on peut donner d’une année (et qui dépendent des repères choisis), celle qui correspond à la périodicité des saisons est l’année tropique (ou équinoxiale) : l’année tropique est le temps séparant deux équinoxes de printemps successifs. Sa durée diminue d’environ une demi-seconde par siècle. Elle était de 365 jours, 5 heures, 48 minutes et 45 secondes en 2000. Pour avoir une idée des écarts avec les calendriers actuels, notons que, par rapport à l’année tropique, le calendrier grégorien (le plus utilisé de nos jours dans le monde) cumulerait un retard d’environ 3 jours tous les 10 000 ans, alors que le calendrier julien accumulerait un retard de 78 jours sur la même période.

Les retombées sur notre calendrier liturgique : Chéélath Guéchamim .

Dans la 9ème bénédiction de la Amida (cet ensemble de bénédictions occupant une place centrale dans les offices de prière du judaïsme est lu lors de chacun des offices), nous incorporons la prière demandant la rosée en été, la pluie en hiver. Si la prière pour la rosée est dite à partir d’une date fixe dans notre calendrier (dès le premier jour de Hol Ha-moêd Pessah), celle pour la pluie bienfaitrice était dite, au temps du Temple, et en Eretz Israel (au climat réputé sec), deux semaines après Chémini Atsérèt , plus exactement à partir du 7 Heshvan, pour laisser le temps aux pèlerins montés à Jérusalem de regagner leurs domiciles.

Pendant l’exil babylonien où le climat était moins sec, cette prière était dite 60 jours après l’équinoxe d’automne, soit à partir du 22 Novembre, au moment où l’agriculture avait besoin d’eau ( la Tékoufa de Tichri, équinoxe d’Automne, étant à cette époque, fixée au 23 Septembre). Mais la dispersion des juifs, alors qu’on n’avait pas de calendrier perpétuel, a amené SHMOUEL à adopter l’approximation julienne de l’année et, pendant des siècles, les juifs ont récité la prière pour la pluie (chéélath guéchamim) à partir du 22 Novembre du calendrier julien.

La réforme grégorienne de 1582 a supprimé 10 jours du calendrier : au jeudi 4 Octobre 1582 a succédé le vendredi 15 Octobre. La date du 22 Novembre pour le début de chéélath guéchamim a donc été décalée de 10 jours, au 2 Décembre. Ce n’est pas tout : la réforme grégorienne a aussi supprimé les années bissextiles pour les fins de siècles dont le millésime n’est pas multiple de 400. Ainsi, 1600 a été bissextile mais 1700, 1800 et 1900 ne l’ont pas été alors qu’elles l’étaient dans le calendrier julien adopté par le Talmud. Voilà pourquoi nous commençons maintenant à réciter chéélath guéchamim 3 jours plus tard, à partir du 5 Décembre (en fait, la veille à Arvit). 2100 ne sera pas bissextile, donc la date du 5 sera repoussée au 6…etc. Dernier détail : Les années précédant une année julienne bissextile, le début de chéélath guéchamim est repoussé au 6 Décembre afin que l’année suivante (comportant 29 jours en Février), cette prière revienne au 5 Décembre. C’était le cas pour l’année 5780 puisque 2020 est bissextile.

Conclusion

Ce que j’écris ci-dessous n’engage que moi :

Avec le recul que nous avons, nous pouvons dire que les rédacteurs du Talmud ont misé sur le mauvais calendrier. Mais pouvaient-ils faire autrement ? L’écart creusé depuis près de deux millénaires avec le mouvement des astres ne peut que croître. Nous continuons avec beaucoup d’application, à faire des calculs à la demi-heure près, alors qu’en 5780 la Tékoufa de Nissan est tombée le 7 Avril 2020 à 12 h 00 soit plus de 18 jours après l’équinoxe de Printemps, qui a eu lieu le vendredi 20 Mars à 4 h 50 à Paris. On ne peut que souhaiter l’arrivée dans le judaïsme, d’une Autorité Décisionnaire incontestable et universellement reconnue pour remettre nos pendules à l’heure.

Et si c’était Machiah (le Messie)?

Baroukh Abba ( Bienvenue) !

Maurice Loulou

(Journal N° 66 Septembre 2020)

Complément d’ordre astronomique :

Voici quelques définitions de l’année (il y en a d’autres !) et leurs durées moyennes, résumées dans le tableau suivant :

Nom Définition Durée

(autour de l’an 2000)

Année sidérale Temps séparant deux positions identiques de la terre par rapport à des étoiles lointaines 365 J 6H 9 mn 10 s
Année tropique

ou équinoxiale

Temps séparant 2 passages successifs de la terre au point vernal (équinoxe de Printemps) 365 J 5 H 48 mn 45 s
Année

anomalistique

Temps séparant 2 passages successifs de la terre à son périhélie (point le plus proche du soleil) 365 J 6 H 13 mn 53 s
Année

draconitique

Temps mis par le soleil (vu depuis la terre) pour passer deux fois successivement au noeud ascendant lunaire. (point où l’orbite de la lune traverse le plan de l’écliptique) 346 J 14 h 52 mn 54 s
Année lunaire L’année lunaire comporte 12 mois lunaires

synodiques (alignement soleil-terre-lune)

354 J 8 h 48 mn 34 s

(valeur moyenne)

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